Nouvelles règles fiscales touchant l’industrie minière
Le 4 août 2023, le ministère des Finances du Canada a dévoilé des propositions législatives qui prévoient des modifications significatives au régime des actions accréditives et à l’exploration des minéraux critiques (le «Projet de loi») lesquelles sont réputées entrées en vigueur le 28 mars 2023.
Le Projet de loi modifie notamment le sous-alinéa d)(ii) de la définition de «matières minérales» à l’article 248 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la «Loi» ou «LIR») en y incluant le lithium dans la liste des minéraux considérés comme «matières minérales». Ainsi, le lithium provenant de saumure, généralement associé à des gisements stratifiés, serait désormais considéré comme une ressource minérale. Fait important, cette modification élimine l’obligation préalable, pour les sociétés minières impliquées dans des projets d’exploration de lithium traditionnels en «roche dure», d’obtenir une certification délivrée par le ministre des Ressources naturelles laquelle vise à confirmer que le principal minerai extrait est un minéral contenu dans un gisement non stratifié.
Le sous-alinéa d)(ii) modifié de la définition de «matières minérales» au paragraphe 248(1) LIR se lira comme suit une fois sanctionné:
(ii) le principal minéral extrait est l'ammonite, le chlorure de calcium, le diamant, le gypse, l'halite, le kaolin, le lithium ou la sylvine,
Comme le rappelle les notes explicatives accompagnant le Projet de loi, la définition de «ressource minérale» est pertinente pour déterminer l’admissibilité d’un contribuable à demander des frais d’exploration au Canada («FEC») (tels que définis au par. 66.1(6) LIR) et des frais d’aménagement au Canada («FAC») (tels que définis au par. 66.2(5) LIR). Un contribuable qui est une société exploitant une entreprise principale (au sens du par. 66(15) LIR) peut également renoncer aux FEC et aux FAC admissibles en faveur des investisseurs en vertu des paragraphes 66(12.6) et (12.62) LIR, respectivement, en concluant des conventions visant des actions accréditives.
Les notes explicatives pertinentes se lisant ainsi:
La définition de «matières minérales» ou «ressource minérale» au paragraphe 248(1) énumère plusieurs types de gisements minéraux comme des «matières minérales» ou «ressources minérales» aux fins de la Loi.
En particulier, la «ressource minérale» est pertinente pour déterminer l'admissibilité d'un contribuable à demander des frais d'exploration au Canada (FEC) (définis au paragraphe 66.1(6)) et des frais d'aménagement au Canada (FAC) (définis au paragraphe 66.2(5)).
Un contribuable qui est une société exploitant une entreprise principale (au sens du paragraphe 66(15)) peut également renoncer aux FEC et aux FAC admissibles en faveur des investisseurs en vertu des paragraphes 66(12.6) et (12.62), respectivement, en concluant des conventions visant des actions accréditives.
En plus de demander les déductions accréditives, les particuliers (autres que les fiducies) qui investissent dans des actions accréditives d'une société exploitant une entreprise principale peuvent également être admissibles au crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques (CIEMC) ou au crédit d'impôt pour l'exploration minière (CIEM) en vertu du paragraphe 127(5) à l'égard de certains FEC précisés.
Auparavant, le lithium n'était pas une ressource minérale répertoriée, mais un gisement de lithium pouvait être certifié comme une « ressource minérale » par le ministre des Ressources naturelles en vertu du sous-alinéa d)(i) s'il était contenu dans un gisement non stratifié. Cependant, le lithium provenant de saumure n'a pas pu être certifié, car il se trouve habituellement dans des gisements stratifiés.
L'alinéa d) de la définition de «matières minérales» ou «ressource minérale» est modifié afin d'ajouter le lithium à la liste des minéraux du sous-alinéa (ii). Cela permet au lithium provenant de saumure (généralement situé dans des gisements stratifiés) d'être considéré comme une ressource minérale, et supprime également l'obligation pour les contribuables engagés dans des projets miniers traditionnels de lithium de demander au ministre des Ressources naturelles une certification de ressource minérale.
Cette modification est réputée être entrée en vigueur le 28 mars 2023; il est donc entendu qu'elle ne s'applique pas aux dépenses engagées avant le 28 mars 2023.
Quant aux paragraphes 66(12.6) et (12.62), ils se lisent comme suit:
66(12.6) Renonciation à des frais d'exploration en faveur de l'actionnaire — Si, conformément à une convention, une personne paie une action accréditive à la société qui l'émet en sa faveur et que la société engage des frais d'exploration au Canada (sauf des frais réputés par le paragraphe 66.1(9) être des frais d'exploration au Canada de la société) au cours de la période commençant à la date de conclusion de la convention et se terminant 24 mois après la fin du mois qui comprend cette date, la société peut, en ce qui concerne cette action, après s'être conformée au paragraphe (12.68), renoncer en faveur de cette personne, avant mars de la première année civile commençant après cette période, à l'excédent de la partie de ces frais (appelée «frais déterminés» au présent paragraphe) qui a été engagée au plus tard à la date où la renonciation prend effet — à savoir le jour où la renonciation est faite ou, s'il est antérieur, le jour de prise d'effet précisé dans le formulaire requis par le paragraphe (12.7) — sur le total des montants suivants:
a) tout montant à titre d’aide que la société a reçu, est en droit de recevoir ou peut raisonnablement s’attendre à recevoir à un moment donné et qu’il est raisonnable de rattacher aux frais déterminés ou à des activités d’exploration au Canada s’y rapportant, à l’exclusion des montants à titre d’aide qu’il est raisonnable de rattacher aux frais visés aux alinéas b) à b.2);
b) ceux des frais déterminés qui constituent des frais généraux d'exploration et d'aménagement au Canada de la société visés par règlement;
b.1) ceux des frais déterminés qui représentent le coût ou le coût d'utilisation de données sismiques, selon le cas:
(i) qui ont été acquises, autrement que par suite de l'exécution de travaux qui les ont créées, par une autre personne avant que le coût soit engagé,
(ii) relativement auxquelles un droit d'utilisation avait été acquis par une autre personne avant que le coût soit engagé,
(iii) qui découlent, en totalité, ou presque, de travaux exécutés plus d'un an avant que le coût soit engagé;
b.2) si la convention est conclue après le mois de mars 2023, ceux des frais déterminés qui ne sont pas visés aux alinéas b) ou b.1) et qui constitueraient des frais d'exploration au Canada si, à la fois :
(i) la définition de frais d'exploration au Canada au paragraphe 66.1(6) s'appliquait compte non tenu de son alinéa g.1),
(ii) la définition de matières minérales au paragraphe 248(1) s'appliquait compte non tenu de ses alinéas a) et d);
c) les montants au titre de ces frais auxquels, au plus tard le jour où la renonciation est faite, il est par ailleurs renoncé en vertu du présent paragraphe.
Cet excédent ne peut toutefois ni dépasser l'excédent éventuel du montant payé pour l'action sur le total des autres montants concernant l'action auxquels la société a renoncé en vertu du présent paragraphe ou des paragraphes (12.601) ou (12.62) au plus tard le jour où la renonciation est faite, ni dépasser l'excédent éventuel du montant des frais cumulatifs d'exploration au Canada de la société à la date où la renonciation prend effet — calculé compte non tenu des montants auxquels il a été renoncé en vertu du présent paragraphe le jour où la renonciation est faite — sur le total des montants auxquels il a été renoncé en vertu du présent paragraphe en ce qui concerne d'autres actions, d'une part, le jour où la renonciation est faite et, d'autre part, avec effet au plus tard à la date où la renonciation prend effet.
66(12.62) Renonciation à des frais d'aménagement au Canada en faveur de l'actionnaire — Lorsque, conformément à une convention, une personne paie une action accréditive à la société qui l'émet en sa faveur et que la société engage des frais d'aménagement au Canada au cours de la période commençant à la date de conclusion de la convention et se terminant 24 mois après la fin du mois qui comprend cette date, la société peut, en ce qui concerne cette action, après s'être conformée au paragraphe (12.68), renoncer en faveur de cette personne, avant mars de la première année civile commençant après cette période, à l'excédent éventuel de la partie de ces frais (appelée «frais déterminés» au présent paragraphe) qui a été engagée au plus tard à la date où la renonciation prend effet—à savoir le jour où la renonciation est faite ou, s'il est antérieur, le jour de prise d'effet précisé dans le formulaire requis par le paragraphe (12.7) — sur le total des montants suivants:
a) tout montant à titre d’aide que la société a reçu, est en droit de recevoir ou peut raisonnablement s’attendre à recevoir à un moment donné et qu’il est raisonnable de rattacher aux frais déterminés ou à des activités d’aménagement au Canada s’y rapportant, à l’exclusion des montants à titre d’aide qu’il est raisonnable de rattacher aux frais visés aux alinéas b) à b.2);
b) ceux des frais déterminés qui constituent des frais généraux d'exploration et d'aménagement au Canada de la société visés par règlement;
b.1) ceux des frais déterminés qui sont visés soit à l'alinéa e) de la définition de «frais d'aménagement au Canada» au paragraphe 66.2(5), soit à l'alinéa f) de cette définition par l'effet du renvoi à l'alinéa e) qui y figure;
b.2) si la convention est conclue après le mois de mars 2023, ceux des frais déterminés qui ne sont pas visés aux alinéas b) ou b.1) et qui constitueraient des frais d'exploration au Canada si la définition de matières minérales au paragraphe 248(1) s'appliquait compte non tenu de ses alinéas a) et d);
c) les montants au titre de ces frais auxquels, au plus tard le jour où la renonciation est faite, il est par ailleurs renoncé en vertu du présent paragraphe ou du paragraphe (12.601).
Cet excédent ne peut toutefois ni dépasser l'excédent éventuel du montant payé pour l'action sur le total des autres montants concernant l'action auxquels la société a renoncé en vertu du présent paragraphe ou des paragraphes (12.6) ou (12.601) au plus tard le jour où la renonciation est faite, ni dépasser l'excédent éventuel du montant des frais cumulatifs d'aménagement au Canada de la société à la date où la renonciation prend effet — calculé compte non tenu des montants auxquels il a été renoncé en vertu du présent paragraphe le jour où la renonciation est faite — sur le total des montants auxquels il a été renoncé en vertu du présent paragraphe en ce qui concerne d'autres actions, d'une part, le jour où la renonciation est faite et, d'autre part, avec effet au plus tard à la date où la renonciation prend effet.
De plus, la définition de «ressource minérale» renvoie à la définition de «matières minérales» laquelle est centrale dans la détermination de l’admissibilité des contribuables aux différents crédits d’impôt. Par exemple, sans modification à la définition de «ressource minérale», le crédit d’impôt pour l’exploration minière de minéraux critiques de 30 % ne pouvait être réclamé pour le lithium en roche dure que si le ministre des Ressources naturelles délivrait une certification.
La définition de «matières minérales» du paragraphe 248(1) LIR, telle qu’en vigueur à l’heure actuelle, se lit ainsi:
«matières minérales»
a) Gisement de métaux communs ou précieux;
b) gisement de charbon;
c) gisement de sables bitumineux ou de schiste bitumineux;
d) gisement minéral relativement auquel:
(i) le ministre des Ressources naturelles a certifié que le principal minéral extrait est un minéral industriel contenu dans un gisement non stratifié,
(ii) le principal minéral extrait est l'ammonite, le chlorure de calcium, le diamant, le gypse, l'halite, le kaolin ou la sylvine,
(iii) le principal minéral extrait est la silice, qui est extraite du grès ou du quartzite.
Préalablement aux modifications, la saumure de lithium n’était pas considérée comme «matière minérale» au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et, en conséquence, les dépenses d’exploration reliées ne pouvaient bénéficier du régime des actions accréditives puisque ces dépenses ne pouvaient être qualifiées de FEC.
Bien que certains gisements de lithium pouvaient être certifiés comme «ressources minérales» par le ministre des Ressources naturelles du Canada, cette certification était limitée aux gisements non stratifiés, excluant ainsi la saumure de lithium généralement trouvée dans des gisements stratifiés. De plus, la charge administrative reliée à l’obtention d’un tel certificat pour le lithium «en roche dure» était, somme toute, très importante.
Il est toutefois important de noter que les modifications apportées par le Projet de loi ne visent pas tous les minéraux critiques pour l’instant, mais seulement le lithium. Les sociétés d’exploration minière doivent donc être prudentes si elles prévoient faire l’exploration d’autres types de minéraux critiques comme les terres rares par exemple, puisque le processus d’obtention du certificat de matières minérales délivré par le ministre des Ressources naturelles devra, dans ce cas, toujours être respecté.
Les alinéas f.1) et g) de la définition de «société exploitant une entreprise principale» prévue au paragraphe 66(15) de la Loi sont également modifiés pour inclure les activités suivantes: la production et la commercialisation du lithium à l’alinéa f.1), ainsi que la fabrication de produits nécessitant le traitement du lithium à l’alinéa g).
Ces nouveaux alinéas proposés se lisent ainsi:
f.1) la production ou la commercialisation du chlorure de calcium, du gypse, du kaolin, du lithium, du chlorure de sodium ou de la potasse,
g) la fabrication de produits nécessitant le traitement du chlorure de calcium, du gypse, du kaolin, du lithium, du chlorure de sodium ou de la potasse,
Les modifications prévues par le Projet de loi élargissent l’assiette des sociétés éligibles à émettre des actions accréditives et à transférer les coûts d’exploration et d’aménagement aux investisseurs, tout en simplifiant les démarches administratives pour les projets miniers traditionnels de lithium et ouvre également la voie à l’exploration de la saumure de lithium. Cette réforme marque une étape significative dans l’évolution de l’exploration de minéraux critiques au Canada, avec des implications significatives pour l’industrie et les investisseurs dans ce secteur névralgique.