Les services financiers tels que les paiements et les règlements, l'octroi de crédits et les opérations de change sont généralement exonérés de la TVA. Par exemple, les frais facturés pour le traitement d'une opération de paiement sont exemptés de TVA (dans la mesure où aucune option pour la taxation n'a été invoquée). À première vue, ils semblent donc moins chers que lorsque la TVA est d’application. Néanmoins, selon les principes fondamentaux du système de la TVA, le prestataire de services exonérés ne peut pas déduire la TVA payée pour les biens et services achetés (c'est-à-dire la TVA payée en amont) pour la fourniture de ces services. Par conséquent, le prestataire inclura généralement la TVA payée en amont et non déductible dans le prix de ses services, ce qui rend le prix plus élevé et fausse la neutralité économique.
Champ d'application de l'exonération de TVA pour les services financiers
Les exonérations de la TVA pour les services financiers dans la législation belge sont basées sur la législation de l'UE. Les dispositions appropriées de la directive européenne sur la TVA ont été introduites pour la première fois en 1977 et sont assez concises. Elles offrent aux États membres différentes interprétations et, également, la possibilité de soumettre certains de ces services à la TVA. À l’origine, les arguments en faveur de l'exonération de la TVA sur les services financiers comprenaient l’allégement des difficultés de détermination de la base imposable et du montant de la TVA déductible, ainsi que la prévention de l'augmentation des coûts du crédit à la consommation.
Alors que les exonérations de la TVA sont restées essentiellement les mêmes depuis leur introduction, la numérisation du secteur financier et de notre société a profondément modifié la nature des services financiers. Au début de ces exonérations, le secteur financier fonctionnait de manière très différente. Par exemple les crédits étaient principalement accordés par les banques et les paiements étaient généralement effectués par billets de banque. Les prêts peer to peer, les moyens électroniques de paiement, la cryptomonnaie ou les bons d’échange à usage multiple n’existaient pas. À l’heure actuelle, dans un nouveau contexte, le libellé concis des exonérations de la TVA et leur champ d’application sont difficiles à déterminer et à interpréter. En pratique, il s’avère peu aisé d’établir si la nature d'un service est davantage informatique (soumis à la TVA) ou financière et effectuée par le biais de l’informatique (en principe exonérée). Bien que les administrations fiscales des États membres de l'UE fournissent certaines orientations, celles-ci conduisent à des interprétations légèrement différentes et mènent à des résultats variables. Dans un contexte transfrontalier, les divergences d'interprétation offrent alors des opportunités de planification fiscale et faussent la concurrence entre les prestataires de services, créant ainsi des inégalités.
Les services de paiement représentent un bon exemple du besoin d’ajustement de la politique fiscale actuelle. De nos jours, ces opérations sont fortement numérisées et différents moyens électroniques sont disponibles (par exemple PayPal, Bancontact, ApplePay,…). Ces paiements ne sont plus principalement effectués par les banques, mais ils sont aussi exécutés par les entreprises FinTech et autres sociétés informatiques, y compris les opérateurs de téléphonie mobile. Les services bancaires sont généralement exonérés de la TVA (dans la mesure où aucune option pour la taxation n'a été invoquée), contrairement à ceux de ces nouveaux prestataires, souvent qualifiés de techniques (électroniques) et donc taxables. Puisque la non-déductibilité de la TVA augmente les coûts de la sous-traitance et des investissements, il est toutefois plus avantageux pour les prestataires que leurs services soient taxés à la TVA pour leur permettre de déduire la TVA payée en amont.
Les fournisseurs de services de l'UE, établis dans des États membres n’ayant pas opté pour la possibilité de taxation souffrent par conséquent d’un désavantage concurrentiel par rapport à ceux implantés en dehors de l'UE où aucun système de TVA comparable n’existe. La révision du traitement TVA des services de paiement au niveau de l'UE devient donc cruciale pour le secteur.
Approche pour le futur
La question du traitement TVA des services financiers avait déjà incité la Commission européenne à proposer une nouvelle législation en 2007. Les États membres n'ont malheureusement pas été en mesure de parvenir à un accord sur ces propositions et celles-ci ont été abandonnées en 2016. Par conséquent, les divergences entre les États membres ont subsisté, tandis que la diversification des services financiers n’a cessé d’augmenter.
Compte tenu de cette évolution, parmi d’autres, la Commission européenne a décidé en 2019 de lancer une étude sur le fonctionnement des règles TVA applicables aux services financiers afin de décider si une action de l'UE était nécessaire et, dans l'affirmative, de mettre en avant la meilleure voie à suivre. En outre, le 22 octobre 2020, la Commission a publié à ce sujet une feuille de route soumise à la consultation publique pour avis jusqu’au 19 novembre 2020 en vue de déterminer les développements futurs. Dans d'autres parties du monde, comme en Chine, Israël, Argentine et Inde, les services financiers sont en principe taxables et il existe des modèles qui mettent les institutions financières traditionnelles sur un pied d'égalité avec les nouveaux arrivants sur ces marchés.
Compte tenu des éléments ci-dessus, si vous deviez conseiller le gouvernement belge et la Commission européenne sur le traitement TVA des services financiers, recommanderiez-vous de les soumettre à la TVA ? Adopteriez-vous la même position si, en tant que client, vous payiez à première vue un prix plus élevé, par exemple pour une opération de paiement, parce qu'elle est soumise à une TVA que vous ne pouvez pas récupérer ?
Traitement TVA des services financiers d'ici 2025
Le maintien des exonérations de TVA pour les services financiers se conçoit pour des raisons logistiques, fiscales ou financières, comme dans le cas de l'octroi de prêts hypothécaires ou de primes d'assurance soumises à d'autres taxes. Cependant, dans un avenir proche, la grande majorité des opérations financières seront probablement soumises à la TVA. Les services comparables des banques seront alors traités de la même manière que ceux des nouveaux fournisseurs de services informatiques, tels que les prestataires de services de paiement, les mineurs de cryptomonnaie et les entreprises FinTech. Toutefois, étant donné la complexité de la question et la nécessité d'un consensus européen sur un nouveau traitement TVA des services financiers, il est peu probable que ces derniers soient soumis à la TVA dans l'UE et en Belgique d'ici 2025.
Auteur : Benoît Pernet, Partner l’équipe Fiscalité indirecte