Depuis le 1er avril 2021, les assujettis à la TVA belge peuvent s’enregistrer sur Intervat aux nouveaux régimes OSS. Sur l’entrefaite, la loi qui introduit entre autres la nouvelle réglementation TVA applicable aux ventes à distance intracommunautaires dans le Code de la TVA à compter du 1er juillet 2021 a également été publiée (loi du 2 avril 2021, MB 13 avril 2021). Les vendeurs qui expédient leurs biens depuis la Belgique à destination d’un autre État membre devront désormais imputer la TVA de l’État membre d’arrivée si le client ne communique pas de numéro de TVA (à l’exception des « microentreprises »). Ils peuvent ensuite déclarer cette TVA étrangère en Belgique via le régime UE OSS.
Les ventes en ligne s’en trouveront en principe grandement facilitées. Mais cette simplification ne concerne assurément pas toutes les ventes en ligne. Le drop shipping en est ainsi en principe exclu. Les enregistrements à la TVA dans les États membres d’arrivée des biens restent donc nécessaires. C’est du moins ce qui ressort d’une réponse du ministre.
Qu’est-ce que le drop shipping ?
Le drop shipping est très fréquent dans le domaine du commerce électronique. Il s’agit d’une forme particulière de commerce électronique où les vendeurs en ligne n’ont pas les produits qu’ils proposent personnellement en stock. Lorsque le client commande un bien, le vendeur en ligne transmet cette commande à son fournisseur. Et souvent, il demande également à ce fournisseur d’expédier le bien à son client. Il s’agit donc d’une vente A-B-C où les biens sont directement transportés de chez A à destination de C, une vente en chaîne donc. Et nous savons depuis longtemps que lorsqu’il y a plusieurs transferts de propriété, mais un seul transport du premier vendeur à destination du dernier acquéreur, le transport des biens ne peut être attribué qu’à une seule de ces livraisons. Et bien qu’en 2020, l’Europe ait, par l’une de ses quatre « quick fixes », apporté une réponse à la question de savoir à quelle livraison le transport devait être attribué, il semblerait qu’un nouveau problème se pose concernant la définition des ventes à distance intracommunautaires.
Réglementation applicable aux ventes à distance
La réglementation actuelle applicable aux « ventes à distance » - selon laquelle la TVA est due dans l’État membre d’arrivée du transport - a été introduite par dérogation à la règle selon laquelle la TVA est due dans l’État membre de départ. Cette dérogation visait à éviter que les fournisseurs qui vendent à des particuliers et qui veillent à ce que les biens soient expédiés ou transportés à destination de leurs clients dans d’autres États membres s’établissent dans un État membre à faible taux de TVA. La réglementation impose donc entre autres comme condition que le transport des biens soit effectué par le vendeur ou pour son compte. De très nombreux entrepreneurs qui vendent des biens en ligne à des particuliers dans d’autres États membres échappaient donc à la réglementation applicable aux ventes à distance en offrant, sur leur site web, la possibilité à leurs acheteurs de conclure un contrat de transport avec un transporteur. Étant donné que, dans ce cas, le transport est effectué par l’acheteur ou pour son compte, la réglementation particulière applicable aux ventes à distance ne trouve pas à s’appliquer et le fournisseur peut imputer la TVA de l’État membre depuis lequel il expédie les biens. Le fisc a soumis ce problème au Comité TVA. Au sein de ce comité, presque tous les États membres se sont accordés sur le fait que le terme « transport pour le compte du vendeur » au sens de la réglementation relative aux ventes à distance désigne tout transport dans lequel le vendeur intervient directement ou indirectement.
Cette règle est maintenue. Dans la nouvelle réglementation en vigueur à partir du 1er juillet 2021, il est question d’une vente à distance intracommunautaire lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, même si le vendeur intervient (seulement) indirectement dans le transport ou l’expédition des biens. Cette disposition est une reprise de l’article 14, alinéa 4, 1 Directive TVA par laquelle le législateur communautaire a repris la conclusion précitée du Comité TVA dans la directive TVA. Mais la question qui se pose en l’occurrence est de savoir quand il est question d’une intervention indirecte dans le transport.
Exemple d’obligations TVA en cas de drop shipping
Revenons-en à notre vente en chaîne. Imaginons que notre assujetti à la TVA belge (B) reçoive une commande en ligne d’un client particulier néerlandais (C), qu’il transmette cette commande à son fournisseur allemand (A) et qu’il demande à ce dernier d’expédier les biens à son client aux Pays-Bas. Il est en l’occurrence question d’une vente A-B-C où le transport est effectué par A ou pour son compte. La livraison A-B constitue-t-elle en l’occurrence une livraison intracommunautaire ordinaire (pas une vente à distance, car l’acquéreur est un assujetti à la TVA avec un numéro de TVA) de l’Allemagne vers les Pays-Bas dans le cadre de laquelle l’assujetti à la TVA belge (B) doit s’enregistrer à la TVA aux Pays-Bas pour pouvoir y déclarer l’acquisition intracommunautaire ? Ou le vendeur belge est-il intervenu indirectement dans le transport à destination de son client (C) et effectue-t-il une vente à distance depuis l’Allemagne sur laquelle il doit donc imputer de la TVA néerlandaise qu’il peut acquitter via le régime UE OSS ? Cette question a également été soumise au ministre en Commission de la chambre des Finances lors de la discussion du projet de loi sur les régimes OSS. Le ministre n’a pu apporter de réponse directe, il a transmis sa réponse ultérieurement par écrit et l’a reprise dans le compte rendu de cette réunion.
Le ministre des Finances confirme que si le transport est effectué par A ou pour son compte, il ne peut être attribué qu’à la livraison effectuée par A à B, puisque B est le seul avec qui A contracte. Selon le ministre, les dispositions de l’article 1er, § 19 C.TVA (intervention indirecte du vendeur dans le transport) ont été écrites depuis la perspective d’une relation bipartite entre un vendeur et un acquéreur. Dans l’exemple, il est question d’une relation tripartite. Et si la livraison par l’entreprise allemande A à l’assujetti à la TVA belge B est la livraison avec transport, alors la vente par l’assujetti à la TVA belge B au client particulier néerlandais C est une « livraison sans transport » (il y a évidemment un transport, mais d’un point de vue technique de TVA, il n’est pas attribué à la relation B-C), qui ne peut donc jamais être considérée comme une vente à distance intracommunautaire (car ce régime suppose un transport). Dans cet exemple, l’assujetti à la TVA belge B ne peut donc pas faire application du régime UE OSS et doit demander un numéro de TVA aux Pays-Bas pour y déclarer son acquisition intracommunautaire. Sa livraison au particulier néerlandais constitue en outre une livraison locale sans transport aux Pays-Bas (où les biens sont mis à la disposition de l’acquéreur) sur laquelle il doit imputer de la TVA néerlandaise qu’il doit acquitter via sa déclaration à la TVA néerlandaise. Et si, de la même manière, l’assujetti à la TVA belge vend des biens à des particuliers dans 25 États membres ? Il doit alors en principe s’enregistrer à la TVA dans tous ces États membres et y introduire des déclarations périodiques à la TVA.
B peut-il l’éviter en réglant lui-même le transport au lieu de demander à son fournisseur allemand de s’en charger ? Non, car dans ce cas, la présomption irréfragable de l’article 14, § 5 C.TVA intervient. C’est l’une des quatre « quick fixes » introduites le 1er janvier 2020. Si, dans une vente A-B-C, le transport est effectué par B ou pour son compte, il existe une présomption irréfragable que le transport doit être attribué à la relation A-B, aussi longtemps que B ne communique aucun numéro de TVA lui ayant été attribué par l’État membre depuis lequel les biens sont transportés. Dans notre exemple, il est logique que l’assujetti à la TVA belge B achète les biens sur son numéro de TVA belge, alors que les biens partent en Allemagne.
Selon le ministre, il convient en priorité d’appliquer l’article 14, § 5 C.TVA à toute transaction en chaîne intracommunautaire où le transport est effectué par B ou pour son compte afin d’établir dans quelle relation le transport a lieu. Dans notre exemple, cette présomption irréfragable est donc d’application. Et la livraison par l’entreprise allemande A à l’assujetti à la TVA belge B est donc la « livraison avec transport » depuis l’Allemagne à destination des Pays-Bas. B doit donc déclarer une acquisition intracommunautaire aux Pays-Bas et imputer de la TVA néerlandaise sur la livraison locale sans transport qu’il y effectue. Et ni cette acquisition intracommunautaire ni la vente locale ne peuvent être déclarées dans le régime UE OSS, comme nous l’avons déjà dit. L’assujetti à la TVA belge B doit par conséquent être enregistré à la TVA néerlandaise et introduire des déclarations à la TVA néerlandaise.
Quid des ventes à distance de biens importés depuis un territoire ou un pays tiers ?
De très nombreux vendeurs en ligne sont extrêmement surpris et peinent à croire que ces cas de drop shipping qui constituent une part considérable du commerce électronique ne puissent pas être déclarés dans le régime OSS. Un oubli de l’Europe ? Ou une volonté délibérée de désavantager les plus petits acteurs qui recourent souvent drop shipping parce qu’ils n’ont pas les moyens de conserver des stocks suffisants par rapport aux grands acteurs qui livrent depuis leurs propres stocks ?
La question qui reste ouverte est de savoir s’il convient de suivre le même raisonnement pour l’article 1er, § 20 C.TVA nouveau (ventes à distance de biens importés depuis un territoire ou un pays tiers). Si cette disposition aussi s’applique uniquement en cas de relation bipartite, la livraison A-B serait également la « livraison avec transport » en cas de drop shipping où les biens sont expédiés par A ou pour son compte (le fournisseur de la boutique en ligne belge B) depuis un territoire ou pays hors Union européenne à destination de C (le client particulier de la boutique en ligne belge) dans l’Union européenne. Avec pour conséquence que B effectue dans l’État membre d’arrivée une livraison locale sans transport à C, sur laquelle il doit donc imputer la TVA de l’État membre d’arrivée, et qu’il ne peut pas déclarer dans le régime UE OSS ni dans le régime IOSS.
Auteur
Jurgen Opreel, Managing partner De btw-lijn et auteur chez Actualités Fiscales.