Interest rate risks commentary
ConformitéFinance 11 avril, 2022

Gérer le risque de taux d’intérêt dans un contexte de hausse des taux

par Ioannis Akkizidis

Cela fait des années que les banques n’ont pas été confrontées à une pareille situation, mais les possibilités de solution se sont considérablement améliorées depuis lors

Pendant des mois, les autorités ont tenté de dissiper la menace de l’inflation, mais les consommateurs et les acheteurs immobiliers avaient d’autres idées. Dans un contexte où l’inflation a atteint dans certains pays les plus hauts niveaux enregistrés depuis des décennies et que les banques centrales ont lancé des programmes pour augmenter les taux d’intérêt pour la combattre, les établissements financiers se retrouvent soudainement face à un test en temps réel, tel un test de robustesse de leurs processus d’évaluation du risque de taux et des autres risques qui y sont liés. Il ne s’agit peut-être que d’un test de résistance, mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce point.

Cela fait de nombreuses années que les banquiers n’ont pas eu à faire face à la hausse des taux d’intérêt. Depuis la crise financière mondiale, l’intérêt sur la dette publique de nombreuses économies matures affichait le plus souvent au plus un « 1 » à gauche de la virgule décimale, et souvent un « 0 » ou même un signe moins.

Or, les banquiers centraux ont commencé à qualifier l’inflation de « persistante » plutôt que de « transitoire » et la Réserve fédérale a clairement indiqué (même si ses déclarations sont plutôt des prédictions incertaines) que quatre augmentations d’un quart de point de pourcentage de son taux directeur étaient prévues en 2022, sans exclure d’autres hausses dont certaines seraient peut-être de plus d’un quart de point. La Banque d’Angleterre, la Banque du Canada et leurs pairs dans des endroits aussi éloignés l’un de l’autre que le Brésil, la République tchèque et la Nouvelle-Zélande ont emboîté le pas. La Banque centrale européenne et la Banque de réserve d’Australie devraient continuer à maintenir leurs taux stables, tandis que la Banque populaire de Chine a abaissé le taux directeur en janvier pour atténuer la pression sur son marché immobilier en difficulté ; cependant, il n’en est pas moins vrai que la tendance mondiale des taux est clairement à la hausse.

Une nouvelle normalité plus complexe

Beaucoup de choses ont changé depuis la dernière fois que le risque de taux d’intérêt constituait une préoccupation majeure. Cela rendra l’évaluation et la gestion d’autant plus difficiles cette fois-ci. D’une part, le secteur manque de pratique. Les taux d’intérêt sont restés stables et très bas pendant de nombreuses années, ce qui simplifie les calculs et les analyses.

D’autre part, un autre défi consiste dans le fait qu’au cours des importants cycles de resserrement antérieurs, la détermination du risque de taux a impliqué une analyse statique qui s’appuyait sur des données actuelles ou très récentes. Cela ne nécessitait aucune analyse dynamique, c’est-à-dire aucune prévision ou prise en compte d’effets de second ou de troisième ordre et aucun besoin de croiser les points de vue de différents services au sein d’un établissement financier. Pour la même raison, le processus était simple. Il reflétait une certaine naïveté des régulateurs et des banquiers quant aux interrelations entre les facteurs de risque, qui allait de pair avec la sophistication technologique limitée des systèmes de gestion des risques du moment.

L’analyse nécessaire est aujourd’hui beaucoup plus compliquée et le contexte économique et financier présente davantage de menaces pour les établissements financiers. Les risques sont plus grands et leur évaluation va être plus difficile. Voici quelques sources potentielles de risque accru de taux d’intérêt dans un environnement de hausse des taux :

  • Baisse des valeurs sur les prêts à taux fixe. À mesure que les taux augmentent, les paiements d’intérêts de plus en plus maigres sur les prêts à taux fixe, en particulier ceux à long terme, réduisent la valeur des prêts. Les banques ont des volumes élevés de ces prêts dans leurs livres parce que les taux abaissés par les politiques de la banque centrale ont accru leur attrait pour les emprunteurs. Cependant, les banques peuvent utiliser diverses stratégies de couverture pour atténuer leurs pertes.
  • Augmentation du risque de défaut. L’avantage des prêts à taux fixes très bas consiste dans le fait qu’il est facile pour les emprunteurs d’effectuer les paiements. À mesure que les clients contractent de nouveaux prêts à des taux plus élevés, cette capacité diminue.
  • Hausse des remboursements anticipés de prêts. Au cours de la dernière décennie, le volume des dépôts des clients a considérablement augmenté, passant de 7 trillions à 17 trillions d’euros rien que dans la zone euro. Les banques ont payé peu ou pas d'intérêts sur ces dépôts, mais elles devront ajuster les taux à la hausse. Si les paiements d’intérêts n’augmentent pas aussi vite que les taux d’intérêt du marché, les déposants sont susceptibles de retirer des sommes importantes et de rembourser les prêts à taux variable, ce qui exacerberait la nécessité de générer de nouvelles affaires.
  • Réduction de la garantie. Les banques sont obligées de détenir de grandes quantités de dette publique émise avec des taux d’intérêt très bas, souvent négatifs. Cette dette sert de garantie aux prêts interbancaires. À mesure que les taux montent, la valeur de ladite dette, et donc des garanties des banques, diminue.

La prise en compte complète du risque de taux d’intérêt nécessitera plus qu’une simple estimation des valeurs de ces facteurs (baisse de la valeur des prêts, montants payés d’avance, probabilités de défaut, etc.) sur la base d’une augmentation donnée des taux sur la courbe de rendement sur une certaine période. Le modèle d’un établissement financier doit également tenir compte des taux de variation de l’incidence des risques. Les niveaux de certains risques ont tendance à augmenter et à diminuer de manière non linéaire à mesure que d’autres facteurs changent. Des accélérations et des points de basculement doivent être pris en compte.

Ensuite, il y a les interrelations entre les risques et les évolutions qui influencent ces interrelations. Une évaluation correcte du risque de taux d’intérêt ne consiste pas seulement à déterminer la variation d’un Risque A lorsqu’une Situation X d’entrée change. Souvent, un changement de la Situation X peut affecter le Risque A, et il peut également affecter les Risques B, C et D, soit directement, soit par l’effet qu’un changement du Risque A peut avoir sur ces autres risques. C’est un point sur lequel les régulateurs ont insisté depuis la crise financière, et surtout ces dernières années.

À mesure qu’une augmentation des taux fait baisser la valeur de marché des obligations d’État à long terme détenues dans les livres comme garantie, par exemple, la valeur de marché de ces papiers peut baisser ; dans un tel cas, un risque de taux d’intérêt plus élevé signifie également un risque de liquidité accru. Ou bien disons qu’il y a une diminution des bénéfices, ou une accumulation de pertes, par le pupitre de négociation propriétaire d’une banque alors que la hausse des taux d’intérêt fait baisser les prix des actions et des obligations, ce qui s’est produit récemment dans un contexte de bellicisme de la banque centrale ; dans un tel cas, la hausse du risque de taux d’intérêt accroît le risque de marché.

Relever le défi de la hausse des taux 

Une telle situation économique et financière, ainsi que les risques qui en découlent et les interrelations qui les unissent, doivent être évalués, mesurés et signalés, et la récente hausse des taux d’intérêt (et d’autres étant apparemment à venir) rend la tâche d’autant plus urgente. Pour y parvenir, il convient d’adopter une approche holistique soutenue par une solution de données intégrée qui facilite les connexions entre les fonctions au sein d’une organisation, faisant écho aux connexions entre les différentes sources de risque.

Une solution intégrée est le seul moyen de saisir et d’agir sur ces connexions complexes et changeantes, par exemple, via une analyse de scénarios complexes ou la modélisation de nouvelles stratégies commerciales. Cela doit être fait d’une manière qui assure une mesure précise, des résultats cohérents et une planification et une prise de décision efficaces. L’alternative consiste à maintenir un méli-mélo de systèmes dispersés dans différents services. Cela aurait pu être suffisant pour gérer le risque de taux d’intérêt dans les années d’avant la crise, mais la situation plus difficile à laquelle les banques sont confrontées aujourd’hui nécessite des méthodes plus sophistiquées pour le comprendre et le gérer.

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