Alors que les étudiants reprennent massivement le chemin des cours, je m’interroge sur l’impact de l’intelligence artificielle générative, comme ChatGPT, sur leur parcours académique. En effet, l’intelligence artificielle générative joue un rôle de plus en plus important dans les tâches académiques traditionnelles, telles que la rédaction d’un mémoire ou la réalisation d’une revue de la littérature. Quelles sont les conséquences pour les étudiants ainsi que les enseignants : comment font-ils face aux nouvelles possibilités offertes par l’intelligence artificielle ? Quels défis se profilent à l’horizon ? Peter Immink s’est entretenu à ce sujet avec Dirk Visser, avocat et professeur en droits de propriété intellectuelle à l’Université de Leiden.
L’intelligence artificielle sur le campus : de nouvelles opportunités et de nouveaux risques pour l’enseignement
Avec plus de vingt ans d’expérience en tant que professeur, Dirk Visser connaît parfaitement le milieu académique. Lors de notre entretien, il met le doigt sur un point crucial : l’intelligence artificielle offre également de nombreuses opportunités pour l’enseignement, mais il est essentiel de trouver un équilibre entre l’innovation technologique d’une part et la préservation des compétences intellectuelles d’autre part. Il explique : « L’intelligence artificielle est un outil fantastique, tant pour les professionnels que pour les étudiants. Voyez-la comme un correcteur orthographique avancé, capable aussi de réécrire, de résumer et de traduire des textes. Elle ouvre la voie à un large éventail de possibilités pour la recherche juridique, y compris en matière de droit comparé. »
Cependant, l’intelligence artificielle entraîne aussi des risques pour le milieu éducatif, me confie-t-il. Ainsi se pose le risque de la fiabilité de la source : comment savoir si les informations générées par l’intelligence artificielle sont réelles ou inventées ? En outre, il est difficile de déterminer si l’élève a écrit son travail lui-même ou si celui-ci a été intégralement rédigé par ChatGPT. « Beaucoup de choses s’éclaircissent lorsque vous engagez la conversation avec les étudiants », affirme Dirk Visser. « Après une heure de discussion sur leur mémoire, vous comprenez vite qui l’a effectivement écrit. » La question principale est de savoir si nous risquons de perdre des compétences de base, comme la rédaction et l’interprétation d’un texte correct. À quel point est-ce grave ?
« Un collègue m’a dit qu’il connaissait par cœur une centaine de numéros de téléphone il y a trente ans, tout comme les intellectuels d’autrefois pouvaient réciter des poèmes sans effort. On peut s’interroger sur l’importance réelle de ces compétences, mais en tant que professeur, je me concentre sur l’apprentissage de l’utilisation de l’intelligence artificielle générative et sur l’enseignement des compétences nécessaires pour rédiger un texte solide, aujourd’hui et à l’avenir. Si l’intelligence artificielle s’améliore bientôt sur ce point, quelles compétences les étudiants doivent-ils vraiment développer ? » Dirk et moi partageons ces préoccupations.
De l’engouement à la maîtrise : le rôle central de la pensée critique
Il ressort rapidement de mon entretien avec Dirk Visser que l’intelligence artificielle est là pour durer et qu’elle n’en est encore qu’à ses débuts. Au lieu d’interdire des outils comme ChatGPT, nous devons donc apprendre aux étudiants à les utiliser efficacement. Une compréhension critique est essentielle à cet égard. C’est ce que je réalise également à travers un exercice intéressant que Dirk propose à ses étudiants : il leur demande d’abord d’accomplir une tâche à l’aide de l’intelligence artificielle, puis de découvrir eux-mêmes les pièges.
« Les étudiants constatent ainsi que la production de ChatGPT est souvent trop générique, qu’elle ne va pas à l’essentiel et qu’elle a du mal, par exemple, à identifier les considérants les plus importants dans un arrêt de cassation », explique Dirk. « ChatGPT propose souvent des réponses détaillées et laborieuses, alors qu’elles pourraient être résumées en quelques phrases. Cet exercice apprend aux étudiants l’importance d’une écriture claire et d’une analyse précise, tout en soulignant qu’ils ne peuvent pas se fier aveuglément à l’intelligence artificielle. Pour une analyse qualitative, un contrôle qualité réalisé par un être humain est essentiel. »