« Respectons-nous la loi sur l’IA de l’UE ? », voilà une question importante qui est souvent, toutefois, suivie d’un silence gênant. Cette situation vous est familière ? Sachez que vous n’êtes pas le/la seul(e). À présent que les outils d’IA poussent comme des champignons, les professionnels du droit font face à un défi crucial : comment garantir une gouvernance de l’IA efficace ? Les avantages sont alléchants — allant d’analyses de documents plus efficaces à des analyses juridiques prédictives — mais les risques en matière de conformité, d’éthique et de responsabilité sont bel et bien réels et complexes. Dans cet article, nous vous présentons les composants essentiels d’un cadre de gouvernance de l’IA solide que vous pouvez facilement mettre en œuvre dans votre organisation.
La gouvernance de l’IA dans le secteur juridique : passer d’un défi de conformité à une opportunité stratégique
Naviguer dans la réglementation nationale et européenne
La loi sur l’IA de l’UE , qui constitue la base du cadre réglementaire européen sur l’intelligence artificielle, a des conséquences directes sur votre organisation. En tant que professionnel du droit, vous devez en effet connaître non seulement cette législation générale, mais aussi les interprétations et mises en œuvre nationales spécifiques. D’autres règles strictes s’appliquent pour les systèmes d’IA à haut risque, en particulier pour les applications juridiques comme l’analyse des contrats et la prédiction des résultats juridiques. Voilà pourquoi il est important dans ce cadre de prendre les mesures appropriées à temps.
Outre la loi sur l’IA, le RGPD impose aussi des règles strictes en matière de légalité, de finalité et de minimisation des données. Le défi réside dans la garantie de la compatibilité entre les deux cadres réglementaires. Point d’attention à ne pas négliger : le RGPD exige une intervention humaine dans le cadre d’une décision automatisée ayant un effet significatif, ce qui s’accompagne aussi de conséquences directes sur la façon dont vous utilisez l’IA dans les processus juridiques.
Il existe également des nuances importantes au niveau national. Les Pays-Bas ont ainsi élaboré des lignes directrices spécifiques concernant la transparence des algorithmes via l’ Impact Assessment Mensenrechten en Algoritmen (IAMA) , qui soutient les organisations dans le développement et la mise en œuvre responsables des algorithmes. L’ Autorité de protection des données a en outre élaboré des directives concrètes relatives à l’utilisation des algorithmes dans le cadre du traitement des données à caractère personnel. En Belgique, l’ Autorité de protection des données se concentre spécifiquement sur l’IA dans le contexte professionnel, avec une attention particulière portée au suivi des travailleurs et au recrutement automatisé. L’ AI4Belgium belge propose par ailleurs des directives qui, malgré leur caractère non contraignant, constituent un cadre de référence essentiel.
De la réglementation à la réalité
La législation complexe sur l’IA demande une transposition structurée dans la pratique quotidienne. Bien que de nombreuses organisations juridiques aient déjà testé l’IA, il est essentiel qu’elles disposent d’un cadre de gouvernance bien réfléchi pour ancrer ces innovations. Ce cadre doit non seulement satisfaire la législation actuelle, mais aussi être suffisamment flexible pour s’adapter aux évolutions futures.
La clé d’une mise en œuvre réussie consiste à trouver un juste équilibre entre la conformité et l’applicabilité dans la pratique. Autrement dit, votre structure de gouvernance doit être assez solide pour répondre à toutes les exigences légales, mais aussi suffisamment flexible pour ne pas gêner vos activités quotidiennes. Une approche trop rigide peut entraver l’innovation, alors qu’une méthode trop souple peut s’accompagner de risques inutiles.
Une stratégie de mise en œuvre réfléchie repose sur trois piliers : des responsabilités clairement définies, une documentation riche et une formation continue des collaborateurs. Ces éléments constituent ensemble la base d’un cadre pérenne de gouvernance de l’IA. En tenant systématiquement compte de ces aspects, vous créerez un cadre à la fois conforme et viable pour votre organisation.
Mise en œuvre d’un cadre de gouvernance de l’IA
Un cadre de gouvernance de l’IA efficace commence par des responsabilités clairement définies. Créez un groupe de travail sur l’IA et l’éthique, afin de permettre à des experts juridiques de collaborer avec des professionnels de l’informatique et des parties prenantes. Donnez-leur un mandat clair avec des pouvoirs de décision et des lignes de rapportage au C-Level définis. Déterminez qui est responsable de la gestion des risques, du suivi de la conformité et des réponses aux incidents. Vous pouvez également désigner un responsable en éthique de l’IA pour superviser l’ensemble des initiatives d’IA et jouer le rôle d’interlocuteur central.
La documentation et la traçabilité constituent l’épine dorsale de votre stratégie de gouvernance. Veillez à développer des processus standardisés pour documenter les décisions sur les systèmes d’IA, y compris les évaluations des risques, les sources de données et les méthodes de validation. Créez un registre d’IA pour présenter l’ensemble des systèmes, tout en précisant l’objectif, la classification des risques, les jeux de données utilisés et les personnes responsables. Documentez l’ensemble des processus de décision quant aux mises en œuvre de l’IA, en portant une attention particulière à la manière dont les systèmes sont entraînés, testés et validés. Ces traces écrites sont essentielles à des fins de conformité, mais elles vous protègent aussi en cas de litiges potentiels ou d’enquêtes réglementaires ultérieures.
La formation et la sensibilisation ne doivent pas être sous-estimées. Beaucoup de collaborateurs recherchent activement un cadre de référence et des lignes directrices lorsqu’ils utilisent des outils d’IA, mais souvent ils ignorent par où commencer. Mettez donc en place un vaste programme de formations qui répond à ce besoin et qui est adapté aux différentes fonctions au sein de votre organisation. Organisez régulièrement des séances de connaissances qui permettent aux équipes d’échanger leurs expériences et les meilleures pratiques. Veillez à ce que votre équipe non seulement maîtrise les aspects techniques, mais connaisse aussi les conséquences éthiques de l’utilisation de l’IA. En misant proactivement sur la sensibilisation et la formation de l’ensemble de vos collaborateurs, non seulement vous réduirez le risque de violations non intentionnelles de votre cadre de gouvernance, mais vous donnerez aussi aux collaborateurs la confiance nécessaire pour travailler avec l’IA de manière responsable. Grâce à cette approche ciblée, vous offrirez les outils qu’ils attendent.
Anticiper l’avenir de la gouvernance de l’IA
La gouvernance de l’IA ne consiste pas en un effort unique, puisqu’il s’agit d’un processus en constante évolution. En mettant en place dès aujourd’hui un cadre solide, vous permettrez à votre organisation non seulement de respecter la réglementation en vigueur, mais aussi de se préparer aux évolutions futures. En tant que professionnel du droit, sachez que vous pouvez jouer un rôle de premier plan dans cette transformation. Comment ? En réunissant l’expertise juridique, les connaissances technologiques et les considérations éthiques pour vos clients.
Les investissements que vous réalisez aujourd’hui dans la gouvernance de l’IA se traduiront par des avantages tangibles, allant d’une meilleure gestion des risques lors de l’utilisation d’outils d’IA dans les dossiers des clients à une confiance accrue des clients dans vos capacités technologiques. Dans un paysage juridique où l’IA est de plus en plus présente dans la pratique quotidienne, il est plus que nécessaire de disposer d’une stratégie de gouvernance réfléchie pour garantir une approche durable.