Opérations «pipeline» et application de la règle de disposition réputée au 21e anniversaire de la création d’une fiducie
L’ARC a récemment pris position dans deux décisions anticipées (TWF) portant sur des opérations de type «pipeline» et l’application de la règle de disposition réputée au 21e anniversaire de la création d’une fiducie.
Décision anticipée 2021-0887301R3 — Post-mortem pipeline transaction
Dans cette situation, les actions d’une société de portefeuille («Société A») détenues par le père («Père») ont été léguées directement à l’épouse de Père et à une fiducie en faveur de celle-ci. Par suite du décès de l’épouse, la succession de l’épouse («Succession») a mis en place une opération de type «pipeline» selon les étapes suivantes:
- La Succession de l’épouse et la fiducie en faveur de l’épouse procèdent au transfert des actions de Société A en faveur de Nouco en vertu de l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) («LIR») en contrepartie de l’émission d’actions privilégiées de Nouco.
- Étant donné que les actions de Société A ont été émises à Père lors d’une cristallisation effectuée par échange d’actions interne à l’égard duquel la déduction pour gain en capital a été réclamée par Père, le capital versé des actions de Newco est réduit en vertu du paragraphe 84.1(1) et du sous-alinéa 84.1(2)a.1)(ii) LIR.
- Fusion de Nouco et Société A pour former Amalco.
- Amalco rachète les actions privilégiées détenues par Succession en contrepartie de l’émission d’un billet à Succession. Un dividende réputé résulte du rachat des actions privilégiées en raison du capital versé réduit des actions privilégiées à la suite de l’application antérieure de l’article 84.1 LIR.
- Une perte en capital résulte du rachat des actions privilégiées par Amalco. La perte en capital résultant du rachat fait l’objet d’un report rétrospectif par la fiducie en faveur de l’épouse en vertu de l’alinéa 111(1)b) LIR pour réduire le gain en capital ayant résulté de l’application du paragraphe 70(5) LIR lors du décès de l’épouse.
L'objectif des opérations projetées est de graduellement distribuer aux héritiers les biens de la Succession ayant une juste valeur marchande égale au prix de base rajusté des actions de Société A acquises par la succession et par la fiducie en faveur de l’épouse suivant le décès de l’épouse.
L’ARC indique que:
- L’article 84.1 LIR ne s’appliquera pas de manière qu’un dividende soit réputé versé par Nouco à Succession;
- Le paragraphe 84(2) LIR ne s’appliquera pas par suite et en raison des opérations décrites ci-dessus pour faire en sorte que Nouco sera réputée avoir versé un dividende à Succession;
- Le paragraphe 40(3.6) LIR ne sera pas applicable relativement à la perte en capital résultant du rachat des actions privilégiées d’Amalco;
- Les alinéas 88(1)d.2) et d.3) LIR seront applicables pour faire en sorte que Nouco sera réputée avoir acquis le contrôle de Société A immédiatement avant le décès de l’épouse; et
- Le paragraphe 245(2) LIR ne s’appliquera pas par suite et en raison des opérations projetées décrites ci-dessus pour déterminer à nouveau les conséquences fiscales confirmées dans les décisions rendues.
Les extraits pertinents de la LIR applicables selon l’ARC (al. 88(1)d.2) et d.3) LIR) se lisent ainsi:
d.2) pour déterminer, pour l'application du présent alinéa et des alinéas c) et d), le moment auquel une personne ou un groupe de personnes (appelé «acquéreur» au présent alinéa et à l'alinéa d.3)) a acquis le contrôle de la filiale pour la dernière fois — lequel contrôle a été acquis auprès d'une autre personne ou d'un autre groupe de personnes (appelé «vendeur» au présent alinéa) avec lequel l'acquéreur avait un lien de dépendance (autrement qu'à cause d'un droit visé à l'alinéa 251(5)b) — l'acquéreur est réputé avoir acquis ce contrôle au premier en date des moments suivants:
(i) le moment auquel le vendeur a acquis le contrôle de la filiale pour la dernière fois («contrôle» s'entendant ici au sens du paragraphe 186(2), si l'expression «une autre société» était remplacée par «une personne» et les expressions «l'autre société» et «cette autre société», par «la personne»),
(ii) le moment auquel le vendeur est réputé, pour l'application du présent alinéa, avoir acquis le contrôle de la filiale pour la dernière fois;
d.3) pour l'application des alinéas c), d) et d.2), lorsque le contrôle d'une société est acquis par un acquéreur pour la dernière fois en raison d'une acquisition d'actions du capital-actions de la société découlant du décès d'un particulier, l'acquéreur est réputé avoir acquis ce contrôle immédiatement après le décès auprès d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance;
Décision anticipée 2020-0858451R3 — Trust to trust transfer
Cette décision anticipée traite d’une situation où une fiducie entre vifs procède au transfert de ses biens en faveur d’une nouvelle fiducie afin d’éviter les conséquences de la règle de disposition réputée prévue au paragraphe 104(4) LIR. Les faits présentés à l’ARC étaient les suivants:
- Les bénéficiaires de Fiducie 1 sont les quatre enfants, l’épouse de M. X et une société de gestion.
- Fiducie 1 détient des actions d’Opco.
- M. X ne souhaite pas que ses enfants reçoivent des biens de Fiducie 1 avant le 21e anniversaire de Fiducie 1.
- Il est prévu que les biens de Fiducie 1 soient plutôt distribués à Fiducie 2 laquelle aurait les mêmes bénéficiaires que Fiducie 1 et les mêmes termes que fiducie 1 à l’exception que Fiducie 2 contiendrait une clause autorisant les fiduciaires à procéder à une dévolution irrévocable des participations de Fiducie 2 dans les actifs de Fiducie 2 en faveur des bénéficiaires de Fiducie 2.
- Préalablement à la date du 21e anniversaire de Fiducie 1, Fiducie 2 distribuerait une partie de ses actifs en faveur de l’épouse de M. X en acquittement de sa participation au capital de Fiducie 2 et les fiduciaires de Fiducie 2 procéderaient à une désignation écrite prévoyant la dévolution irrévocable des actifs restants détenus par Fiducie 2 en parts égales entre les enfants vivants de M. X. Cette dévolution n’entraînerait pas de transfert immédiat des actifs de Fiducie 2 en faveur des enfants de M. X.
L’ARC indique que le transfert des actifs entre Fiducie 1 et Fiducie 2 ne serait pas considéré comme une «disposition» au sens du paragraphe 248(1) LIR en raison du paragraphe f) selon lequel un transfert qui n’entraîne pas un changement de la propriété effective du bien n’est pas considéré comme une disposition.
L’ARC mentionne de plus que:
- Fiducie 2 est identique à Fiducie 1 à l’exception que Fiducie 2 permet la dévolution irrévocable. Les droits des bénéficiaires ne sont par ailleurs pas affectés par le transfert entre Fiducie 1 et Fiducie 2 si bien que le transfert n’entraine aucun changement dans la propriété effective des biens de sorte qu’aucune disposition des biens de Fiducie 1 ne survient;
- Aucune disposition des intérêts dans Fiducie 1 ne survient;
- La dévolution irrévocable des biens par Fiducie 2 permet d’éviter la disposition réputée des biens lors du passage du 21e anniversaire de Fiducie 1 puisque Fiducie 2 est exclu de cette règle en vertu du paragraphe g) de la définition de «fiducie» au paragraphe 108(1) LIR dans la mesure où les conditions prévues par les sous-alinéas 108(1)g)(iii)(iv) et (vi) de cette définition sont rencontrées.
En guise d’information, l’alinéa g) de la définition de «fiducie» au paragraphe 108(1) LIR se lit ainsi:
g) la fiducie dont l'ensemble des participations, à ce moment, ont été dévolues irrévocablement, à l'exception des fiducies suivantes:
(i) les fiducies au profit de l'époux ou du conjoint de fait postérieures à 1971, les fiducies en faveur de soi-même, les fiducies mixtes au profit de l'époux ou du conjoint de fait ou les fiducies auxquelles l'alinéa 104(4)a.4) s'applique, […]
(iii) la fiducie qui a choisi, dans sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour sa première année d'imposition se terminant après 1992, de se soustraire à l'application du présent alinéa,
(iv) la fiducie qui réside au Canada à ce moment, dans le cas où la juste valeur marchande globale, à ce moment, de l'ensemble des participations dans la fiducie alors détenues par ceux de ses bénéficiaires qui ne résident pas au Canada à ce moment représente plus de 20 % de la juste valeur marchande globale, à ce moment, de l'ensemble des participations dans la fiducie alors détenues par ses bénéficiaires,
(v) la fiducie dont les modalités prévoient, à ce moment, que la totalité ou une partie de la participation d'une personne dans la fiducie doit prendre fin par rapport à une période (y compris celle déterminée par rapport au décès de la personne), autrement que par l'effet des modalités de la fiducie selon lesquelles une participation dans la fiducie doit prendre fin par suite de la distribution à la personne (ou à sa succession) d'un bien de la fiducie, si la juste valeur marchande du bien à distribuer doit être proportionnelle à celle de cette participation immédiatement avant la distribution,
(vi) la fiducie qui, avant ce moment et après le 17 décembre 1999, a effectué une distribution en faveur d'un bénéficiaire au titre de la participation de celui-ci à son capital, s'il est raisonnable de considérer que la distribution a été financée par une dette de la fiducie et si l'une des raisons pour lesquelles la dette a été contractée était d'éviter des impôts payables par ailleurs en vertu de la présente partie par suite du décès d'un particulier.