L’article 8 du Code des droits de succession prévoit une fiction légale de legs fiscal taxable au droit de succession, essentiellement pour ce qui concerne les stipulations pour autrui et les assurances-vie.
De l’avis de tous, c’est la disposition la plus complexe du Code des droits de succession, sans réforme depuis 1967, et la plus exposée aux récentes réformes de droit civil en matière de régimes matrimoniaux et de droit successoral.
C’est dans ce cadre que se placent deux articles du numéro de mars du Recueil général de l’enregistrement et du notariat, aiguillonnés par la dernière circulaire administrative n° 2021/C/2 du 7 janvier 2021 sur les assurances-vie.
Le contrat d’assurance-vie : ses conséquences en droits de succession
Dans ce premier article, Vincent Sepulchre a tout d’abord tenté de clarifier les conditions d’application de cet article 8 du Code des droits de succession, pour les appliquer aux contrats actuels d’assurance-vie que vise « à la hussarde » la circulaire administrative n° 2021/C/2 du 7 janvier 2021.
Une fois posés, l’auteur a ensuite confronté ces éléments à différents points d’attention, dont notamment :
- l’application de l’article 8 du Code aux assurances-groupes et engagements individuels de pension des dirigeants d’entreprise indépendants ;
- l’application de l’article 8 du Code aux assurances souscrites par des époux mariés sous un régime de communauté.
A partir d’une combinaison des règles issues du nouveau droit civil et de l’article 8, alinéa 4, du Code, l’auteur démontre ainsi l’incohérence et l’illégalité même de la circulaire administrative n° 2021/C/2 du 7 janvier 2021, notamment quant à une prétendue taxation en cas du prédécès du bénéficiaire d’un tel contrat d’assurance-vie, ou en cas du prédécès de l’époux du preneur d’une assurance-vie sur sa propre tête.
Comment, sans modification légale de l’article 8 du Code des droits de succession, l’administration fiscale peut-elle tenter de faire prévaloir ses propres fantasmes taxatoires sur le nouveau droit civil, par une simple circulaire administrative ?
Enfin, comment décemment, et en restant courtois, qualifier l’effet rétroactif au 1er septembre 2018 de cette circulaire, qui évoque benoîtement de multiples dossiers laissés « en suspens » depuis plus de deux ans (!), en se parant un peu vite d’une force obligatoire qui ne s’attache pourtant qu’aux lois et règlements ?
Assurance-vie : l’Administration tente-t-elle de décrocher le cocotier en dehors des voies légales ?
Gilles de Foy et Jennifer Das ont de leur côté entendu analyser les différents écueils que présente la circulaire n° 2021/C/2 du 7 janvier 2021 qu’ils considèrent contraire à la loi et à la sécurité juridique avec l’effet rétroactif de près de 28 mois qu’elle comporte.
Dans les grandes lignes, les auteurs mettent en évidence le fait que l’administration tente de légiférer et donc de modifier substantiellement les éléments d’impôt par voie de circulaire.
Par l’adoption de cette circulaire, l’administration fiscale en charge de la fiscalité successorale en Régions wallonne et bruxelloise tend à nier toute l’évolution législative sur le plan civil (réforme des régimes matrimoniaux) avec les conséquences qui en dérivent sur le plan fiscal, à défaut pour le législateur fiscal d’avoir adopté un texte adéquat.
Il est patent que l’administration, consciente des développements des produits d’assurance, tente d’imposer des contrats d’assurance-vie avant leur échéance naturelle, ce que l’article 8 du Code des droits de succession n’autorise pourtant pas. Le Service des Décisions Anticipées l’a d’ailleurs déjà rappelé à maintes reprises. Ainsi espère-t-elle, par exemple, taxer anticipativement tant le bénéficiaire d’une structure assurantielle A-B-C au moment du décès de A, que la valeur que le preneur obtiendrait sur le rachat du contrat d’assurance-vie en présence de preneurs multiples ou dans le cadre d’une cession post mortem des droits du contrat.
A cet égard, les auteurs mettent notamment en évidence le fait que l’administration réalise à dessein une confusion entre les différents modes de cession du contrat afin d’appréhender la cession de droits post mortem sous l’angle de la fiscalité successorale.
Gilles de Foy et Jennifer Das passent également les opérations sur les contrats d’assurance sous le scan de la mesure anti-abus fiscal…