Legal30 mars, 2020

Le pre-pack ou faillite silencieuse : un fantôme vivant ?

Le pre-pack”, appelé encore faillite silencieuse, était sans conteste l’une des innovations de la loi du 11 août 2017 (loi portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique), les plus attendues par les praticiens de la restructuration.

Les articles concernant cette nouvelle procédure étaient regroupés dans le Titre IV du projet initial intitulé "les mesures préventives" du futur Livre XX du Code de droit économique (CDE).

Une nouveauté?

Nous avions déjà connu cette pratique en Belgique, dans les années 70, sous le nom de “faillite accompagnée“ mais elle a petit à petit disparu car elle n’était pas couverte par un texte légal et rencontrait des difficultés, telle, par exemple, l’application des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire.

La plupart des législations des pays qui nous entourent connaissent, sous différentes formes, le pre-pack, et ce dans le cadre de procédures appelées out of the Court” car il est unanimement constaté que la publicité qui entoure les procédures d’insolvabilité ont des conséquences défavorables sur le débiteur sursitaire ou en faillite et est une des causes de la mise à mort d’une entreprise en difficulté.

Si cette procédure a été abandonnée pour de mauvaises raisons dans la dernière ligne droite des travaux préparatoires1, il nous paraît utile de faire état de cette procédure dont il n’est pas exclu qu’elle subira un “examen de repêchage” et dans la mesure où cette technique peut inspirer les praticiens de la restructuration dans le cadre des mesures préventives regroupées dans le Titre IV du Livre XX du Code de droit économique (CDE).

Pourquoi le pre-pack?

Faut-il rappeler que c’est sous la pression des praticiens du droit de la restructuration qui ont mis en avant l’absence d’ “instruments préprocéduraux”2, que la loi du 31 janvier 2009 sur la continuité des entreprises (LCE) avait déjà créé deux nouveautés qui ne furent pas assez utilisées : le médiateur d’entreprise de l’article 13 LCE et l’accord amiable (hors procédure en réorganisation judicaire (PRJ)) de l’article 15 LCE.

Malgré les rendez-vous ratés de ces nouveautés, l’on a continué à pousser les instruments préprocéduraux pour leur efficacité et leur discrétion et l’on a introduit dans le projet de loi n° 2407, le pre-pack, vu la pratique positive de nos voisins.

En fait, le pre-pack constitue le pendant judiciaire de ce que nos amis hollandais utilisaient souvent comme technique de restructuration, à savoir la strefhuisconstructie”. Il s’agissait d’une technique où l’on séparait le bon grain de l’ivraie ou encore l’on coupait la branche morte de l’arbre pour continuer à faire vivre les parties saines de l’entreprise soit grâce à un chevalier blanc soit grâce au groupe de sociétés dans lequel se trouvait l’entreprise en difficulté, auquel cas l’on pouvait parler d’autocession3.

En quoi consistait concrètement le pre-pack ?

C’est en s’inspirant du droit hollandais que le projet de loi permettait à un débiteur en état de faillite de déposer une requête devant le tribunal de son siège social et expliquer l’intérêt d’une faillite silencieuse et rapide. Si la requête était jugée fondée, le tribunal désignait un pré-curateur et un pré-juge-commissaire qui étaient chargés d’examiner si l’objectif de cession exposé par le débiteur était réalisable. Un délai court était fixé à cette fin.

Ce projet ne reçut pas l’approbation des syndicats. Et les adversaires de cette excellente mesure prirent surtout appui sur l’arrêt Smallsteps prononcé le 22 juin 2017 pour obtenir que le ministre retire ces dispositions qui lui tenaient à cœur, ce qui est critiquable, comme l’indique R. Aygogdu dans son intervention citée en note.

Ce n’est qu’un début, continuons le combat !

Malgré cet échec, tout n’est pas perdu. Il n’est pas exclu de penser que, devant la levée de boucliers de la doctrine, le législateur remette l’ouvrage sur le métier et surtout, il nous reste les autres mesures préventives qui peuvent permettre aux entreprises en difficulté d’arriver aux mêmes résultats, avec un peu d’imagination.

Déjà, sous le champ d’application de la LCE, le Tribunal de commerce de Nivelles, faisant une application imaginative mais correcte de la loi, arriva à la reprise rapide des activités et des actifs d’une entreprise par la combinaison de la désignation d’un médiateur d’entreprise et une PRJ par transfert sous autorité de justice menée à marche forcée.

Compte tenu des nouvelles dispositions concernant le médiateur d’entreprise et son rôle dans la conclusion d’accords amiables préprocéduraux, l’échec actuel du pre-pack peut être contourné, grâce au slogan de 1968: l’imagination au pouvoir !

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  1. Comme souligné notamment par R. AYDOGDU dans son intervention « Les nouvelles procédures d’insolvabilité extrajudiciaires » lors d’un séminaire Vanham & Vanham le 28 septembre 2017.
  2. Voyez Doc. parl., Ch. repr., sess. 2008-2009, n°0160/005, p. 26, intervention du Président Jean-Philippe Lebeau.
  3. Pour plus de détails, voyez S. LOOSVELD, « De strefhuisconstructie », T.R.V., 1998, p. 125.

Jean Pierre Renard est avocat aux barreaux de Bruxelles et du Brabant wallon et juge suppléant au Tribunal de l’entreprise du Brabant wallon.

Il collabore régulièrement à la rédaction d’ouvrages en matière de droit des sociétés et a contribué tout récemment à la rédaction du “Manuel de l’insolvabilité de l’entreprise”, paru fin 2019.

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