« Les difficultés rencontrées par les utilisateurs sont le point de départ de nos solutions innovantes. Il est donc primordial d’associer les utilisateurs à toutes les étapes du processus », déclare Anneke Nipius, concept developer chez Wolters Kluwer. Nous avons abordé avec elle l’importance de tenir compte des besoins des utilisateurs dans l’innovation, d’évaluer la valeur des idées et d’exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle pour améliorer la pratique des professionnels du droit.
« Avec les utilisateurs, je cherche des solutions qui facilitent le travail des avocats. » - entretien avec Anneke Nipius
Anneke Nipius
Anneke Nipius a rejoint Wolters Kluwer en 2012. Son travail consiste principalement à concevoir des produits pour les utilisateurs et à analyser les besoins de ceux-ci. Depuis quelques années, elle se concentre sur l’innovation, la méthode lean startup et le développement de concepts. Elle explore les opportunités d’innovation entre autres sur la base du feed-back du marché et s’attelle à les transformer en solutions à valeur ajoutée pour les utilisateurs.
Votre rôle consiste à développer des produits. Comment trouvez-vous des idées et solutions qui apportent une valeur ajoutée aux utilisateurs ?
« Lorsque nous développons des produits pour les professionnels du droit, nous partons des défis qu’ils rencontrent au quotidien. Nous examinons leurs difficultés en identifiant les étapes les plus chronophages et leur impact sur l’efficacité globale. Nos idées et solutions innovantes émergent de différentes manières. Par exemple, lors d’un entretien avec un client, j’ai eu l’idée de faciliter la recherche de jurisprudence en faisant en sorte que Jura se concentre sur les décisions plutôt que sur les documents. Nous avons donc développé la vue jurisprudence. Ces échanges avec les utilisateurs font souvent émerger des idées d’innovations. Par exemple, nos clients nous indiquent régulièrement qu’ils souhaitent un accès plus rapide aux bons documents et aux bonnes informations. Le processus de recherche est fastidieux en raison du volume d’informations à consulter. Aucun système ne permet d’obtenir les bonnes informations du premier coup. Ce type d’information est essentiel pour nos innovations, c’est pourquoi nous associons activement nos clients au développement de nos produits. »
Avez-vous des solutions pour permettre aux utilisateurs de trouver plus rapidement les documents et informations dont ils ont besoin ?
« Cette question importante fait actuellement l’objet de toute notre attention. Nous voulons soutenir les professionnels du droit et de la fiscalité dans le processus de recherche en leur proposant un accompagnement continu. L’une de nos idées consiste à apporter différents éclairages au moyen de la description de cas. Ces éclairages englobent entre autres le contexte juridique du cas, l’analyse de la jurisprudence pertinente et le point de vue des auteurs sur des affaires similaires. Grâce à cet ensemble d’informations, l’avocat peut mener à bien son analyse du dossier. Lorsque nous développons nos idées, nous cherchons à optimiser le processus de travail en intégrant plusieurs étapes à la fois. Nous envisageons alors la possibilité d’une intégration avec d’autres systèmes. Nous nous demandons par exemple s’il est possible d’extraire des descriptions de cas à partir des mails des clients et, pour aller encore plus loin, s’il est possible de générer des concepts d’e-mail qui permettent de poser directement au client les questions issues de l’analyse. »
Toutes les idées ne se concrétisent pas. Quels sont les critères d’une idée prometteuse ?
« Pour qu’une idée soit développée, elle doit être associée à un besoin qui apparaît fréquemment dans le processus de travail des utilisateurs. Si les utilisateurs n’aiment pas rédiger une pièce de procédure en particulier, mais s’il s’agit d’un document peu fréquent, nous n’en ferons pas une priorité. Pour chaque idée, nous évaluons la difficulté de la tâche, sa fréquence, sa durée et ce que cela changera si nous nous en occupons. Nous gardons ensuite les idées prometteuses. Pour chacune d’entre elles, j’évalue la probabilité que la solution soit adoptée par les utilisateurs. Elle doit avoir une valeur pour eux, mais aussi correspondre à la stratégie de Wolters Kluwer et être réalisable sur le plan technique. »
Comment déterminez-vous la valeur d’une idée pour un utilisateur ?
« Nos idées sont validées avec prudence, car l’innovation va de pair avec la prise de risques. Nous essayons de prendre nos marques progressivement et d’établir la valeur de la solution proposée pour les utilisateurs. L’un des moyens d’y parvenir est de leur soumettre des designs. Nous posons des questions sur la solution et en même temps, nous recherchons des signaux montrant la valeur de la solution proposée pour l’utilisateur. Par exemple, si l’utilisateur nous demande si la solution est déjà utilisable, il est clair qu’elle présente une valeur ajoutée pour lui. Il nous revient ensuite de découvrir quelle est précisément cette valeur. Nous adoptons une approche rigoureuse de l’innovation, en mettant l’accent sur la fiabilité et la qualité de nos solutions. Marcel Vonder, VP Product Management, a déclaré précédemment que nous devons trouver l’équilibre entre l’innovation et la fiabilité. Il n’est pas toujours facile de trouver le juste équilibre entre la nécessité d’obtenir des preuves solides et le respect des délais. La recherche de preuves ne doit pas ralentir le processus, mais il convient également d’en réunir suffisamment avant de passer à l’étape suivante. »
Lorsque vous constatez qu’une idée a de la valeur pour un utilisateur, cette idée peut-elle être développée immédiatement ?
« Non, préalablement à la phase de développement, nous devons encore examiner l’opportunité, la faisabilité et la viabilité, c’est-à-dire vérifier si la solution est souhaitable, réalisable et rentable dans un modèle d’entreprise durable. La faisabilité technique du concept est une condition essentielle sur laquelle nous nous penchons bien sûr dès le début du processus. Si on sait dès le départ qu’une bonne partie du travail devra être réalisée manuellement, on en tient compte dans l’analyse. Ensuite, il faut que nous puissions maintenir durablement la solution. Le but n’est pas de proposer une solution dont nous ne pourrons pas assurer la pérennité. Si c’était le cas, nous devrions être très clairs avec les utilisateurs dès le départ. Il est par ailleurs important que la solution soit complète. Par exemple, nous travaillons actuellement sur une solution pour répondre automatiquement aux questions juridiques sur la base de nos informations spécialisées. Il est évidemment essentiel que la réponse soit fiable : les arrêts non pertinents ne peuvent donc pas être pris en compte. Et nous voulons aussi que les utilisateurs puissent voir quelles sources ont été utilisées pour leur répondre. Poser les bonnes questions est crucial pour la qualité des réponses. En ce moment, nous examinons donc comment aider les utilisateurs à poser des questions. »
Quelles sont les possibilités offertes aux utilisateurs par l’intelligence artificielle ?
« Je constate que l’intelligence artificielle offre une multitude d’opportunités aux utilisateurs. Un jour, ils ne devront plus créer eux-mêmes tous leurs documents. L’intelligence artificielle créera une première version qu’ils pourront réviser et améliorer. Les entretiens avec les utilisateurs montrent par ailleurs qu’ils se demandent souvent s’ils disposent de toutes les informations dont ils ont besoin. C’est là que nous voulons améliorer les choses dans les années à venir avec l’intelligence artificielle. Sur la base d’une simple liste de jurisprudence, l’intelligence artificielle peut ajouter de la valeur aux recherches. On peut par exemple préciser le cadre juridique ou la tendance jurisprudentielle. Pour cela, il faut que la solution soit fiable. Si les sources utilisées et les résultats sont fiables, les professionnels passeront beaucoup plus vite d’un mode de recherche et de création à un mode d’évaluation. De manière générale, il est plus facile de donner du feed-back sur un texte d’avis existant que de rédiger soi-même un texte. Avec cette méthode de travail, on optimise donc son temps, son énergie et ses capacités cognitives. Ce sont les conditions idéales pour être inspiré dans son travail et rendre celui-ci plus stimulant. L’intelligence artificielle offre de nombreuses possibilités en matière de développement de produits pour les professionnels du droit. Comme la qualité et la fiabilité de nos produits sont essentielles pour nous, nous validons chaque étape du développement auprès de nos utilisateurs. »