Depuis le 1er janvier 2019, bailleurs et preneurs peuvent, sous certaines conditions, choisir d’assujettir à la TVA la location de biens immobiliers utilisés à des fins professionnelles. Quel en est l’intérêt ? Les bailleurs peuvent ainsi récupérer la TVA sur les frais de construction, d’achat, de transformation et de rénovation de leur immeuble. Les preneurs (pas les particuliers, ils doivent être assujettis à la TVA) qui utilisent l’immeuble pour les besoins de leur activité économique peuvent quant à eux déduire intégralement la TVA. Il importe de noter à cet égard qu'il doit s’agir de « bâtiments neufs » sur lesquels la TVA est devenue exigible après le 1er octobre 2018.
Tout ce que vous devez savoir sur le régime de taxation optionnelle de la location immobilière professionnelle
Source : monKEY - La banque de données spécialisée pour les professionnels de la fiscalité, de la finance et de la comptabilité
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Dans cet article, nous aborderons concrètement les points suivants :
- Location immobilière : ce qui n’a pas changé
- Six conditions pour une location immobilière taxée
- Régime spécial pour les parties liées
- Délai de révision de 25 ans
Location immobilière : ce qui n’a pas changé
Dans la pratique, la règle de base reste que l’affermage et la location de biens immeubles par nature (p. ex. un terrain, un espace de bureaux, une usine…) sont exemptés de TVA. Il existe déjà plusieurs exceptions à cette règle qui sont effectivement soumises à la TVA et pour lesquelles rien ne change dans le nouveau régime, par exemple :
- la mise à disposition d’emplacements pour véhicules ;
- la fourniture de logements meublés ;
- la mise à disposition d’emplacements pour le camping ;
- la location-financement d’immeubles (ou leasing immobilier) ;
- la mise à disposition de biens immeubles par nature dans le cadre de l’exploitation des ports, des voies navigables et des aéroports ;
- la mise à disposition d’outillages et de machine fixés à demeure ;
- la location de coffres-forts.
Ces exceptions sont donc maintenues telles quelles dans le nouveau régime.
Six conditions pour une location immobilière taxée
Depuis le 1er janvier 2019, il est possible d’opter pour la location de bâtiments sous le régime de la TVA, si :
- le preneur est un assujetti à la TVA ;
- le bâtiment est utilisé pour l’exercice de son activité économique ;
- le bailleur et le preneur doivent opter conjointement pour l’assujettissement à la TVA de cette location ;
- si un bâtiment ou une fraction de bâtiment est loué en même temps que le sol y attenant, l’option doit être exercée conjointement à l’égard des deux biens immobiliers ;
- L'option s’applique pendant toute la durée du contrat ;
- Il s’agit d'une nouvelle construction ou d'une rénovation profonde entamée à partir du 1er octobre 2018.
Assujettissement à la TVA du preneur
La taxation optionnelle n’est possible qu’à condition que le preneur soit lui aussi assujetti à la TVA. Il peut s’agir d’un assujetti complet, d’un assujetti mixte ou même d’un assujetti exonéré. L’étendue du droit à déduction du preneur importe peu.
Quels sont les types de preneurs exclus du régime ?
- les holdings passifs ;
- les organisations internationales ;
- les administrations publiques.
Utilisation pour les besoins de l’activité économique
Le preneur doit utiliser le bâtiment loué ou la fraction de bâtiment louée exclusivement pour les besoins de son activité économique. La location avec TVA n’est dès lors pas possible à partir du moment où le bien est utilisé (entièrement ou partiellement) à des fins privées. Il est recommandé de stipuler l’utilisation exacte du bien de manière impérative dans le contrat de bail, avec possibilité de récupération expresse de la TVA à réviser en cas d’utilisation incorrecte.
Option exercée conjointement par le bailleur et le preneur
L’option doit être exercée conjointement par les deux parties, à savoir par le bailleur et par le preneur. Aucune partie ne peut donc « imposer » la location taxée à son cocontractant.
Taxation optionnelle applicable uniquement aux bâtiments
Le nouveau régime de taxation optionnelle s’applique uniquement aux bâtiments et aux fractions (économiquement indépendantes) de bâtiments. La nature du bâtiment importe peu.
La location de terrains, par exemple, est exclue du champ d’application du régime de la taxation optionnelle. Si toutefois un bâtiment et le sol y attenant sont loués ensemble, la taxation optionnelle s’applique également au sol y attenant.
Attention ! La définition du « sol y attenant » déroge en l’occurrence à la définition générale en matière de TVA. Alors qu’en termes généraux, le sol y attenant se définit comme « le terrain sur lequel il est permis de bâtir et qui est cédé par la même personne, en même temps que le bâtiment et attenant à celui-ci », il est défini aux fins de l’application du nouveau régime de taxation optionnelle comme « la parcelle cadastrale ou les parcelles cadastrales sur lesquelles le bâtiment ou la fraction de bâtiment a été érigé et qui est donnée ou sont données en location simultanément avec ce bâtiment ou fraction de bâtiment par la même personne ».
Option définitive et irrévocable
L’option s’applique pendant toute la durée du contrat, elle est définitive et irrévocable. Elle doit être exercée à nouveau en cas de prolongation ou de renouvellement du contrat de bail.
Uniquement pour les « constructions à l’état neuf »
Le régime de taxation optionnelle s’applique uniquement en cas de construction à l’état neuf (ou de rénovation en profondeur) où la première TVA grevant les opérations relatives au bâtiment proprement dit et qui contribuent à sa construction est devenue exigible au plus tôt le 1er octobre 2018. Un bâtiment qui était déjà en construction avant le 1er octobre 2018 n’entre pas en considération pour ce régime.
Cette condition renvoie essentiellement aux « travaux matériels » relatifs au bâtiment et porte sur :
- les prestations à caractère intellectuel (lesdits soft costs), telles que les études préliminaires, les prestations d’ingénieurs, d’architectes, etc. ;
- les travaux de démolition ou de terrassement (p. ex. assainissement).
Cette condition ne s’applique par contre pas aux contrats de mise à disposition d’emplacements pour l’entreposage de biens pour lesquels l’option peut être exercée (donc dans un contexte B2B).
Régime spécial pour les parties liées
Si le preneur ne bénéficie pas d’un droit à déduction complet et qu’il est considéré comme une « partie liée », le loyer porté en compte doit être conforme aux conditions de marché (« at arm’s length »), autrement dit la base d’imposition est constituée de la valeur normale.
Dans la plupart des transactions, la base d'imposition correspond au prix convenu entre les parties pour les biens vendus ou les services fournis. Dans certains cas, toutefois, la législation TVA prévoit une correction en plus ou en moins. Dans certaines situations clairement définies, il n’est pas tenu compte du prix convenu, mais bien de la « valeur normale » en tant que « base d'imposition minimale ». C’est le cas lors de la location immobilière d'un bâtiment pour laquelle les parties ont opté pour l’assujettissement à la TVA.
Lorsqu’un bâtiment (une fraction de bâtiment) est loué(e) avec application du régime de taxation optionnelle, la valeur normale est prise en considération comme base d’imposition si trois conditions sont réunies :
- la contrepartie (le loyer) dont les parties ont convenu est inférieure à la valeur normale (d’où l’interprétation concrète de la valeur normale en tant que base d’imposition minimale ; si la contrepartie convenue est égale ou supérieure à la valeur normale, le prix continue d’être utilisé comme base d’imposition) ;
- le preneur n’a pas le droit de déduire entièrement la taxe due ;
- le bailleur et le preneur sont des « parties liées », ce qui signifie que le preneur est lié d’une des manières suivantes avec le bailleur :
- en raison d’un contrat de travail, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré ;
- en tant qu’associé, membre ou dirigeant de la société ou de la personne morale, en ce compris les membres de leurs familles jusqu’au quatrième degré ;
- en raison d’un lien de contrôle, direct ou indirect, en droit ou en fait ;
- en raison du fait que la majorité des actifs qu’ils ont investis pour les besoins de leur activité économique appartient directement ou indirectement à la même personne ;
- en raison du fait qu’ils sont, en droit ou en fait, directement ou indirectement, sous une direction commune ;
- en raison du fait qu’ils organisent leurs activités totalement ou partiellement en concertation ;
- en raison du fait qu’ils sont, en droit ou en fait, directement ou indirectement, sous le pouvoir de contrôle d’une seule personne.
Attention : Si la valeur normale doit être appliquée parce que les conditions énumérées ci-dessus sont réunies, cela ne signifie pas pour autant que le prix contractuel dont les parties ont convenu doit être adapté. Cela signifie seulement que la TVA est due sur cette valeur normale, et pas sur le loyer.
Il convient également de noter que l’application de la « valeur normale » aux conditions visées ci-dessus n’est prévue que pour la location sous le régime de la taxation optionnelle d’un bâtiment (d’une fraction de bâtiment), et non pour les autres formes (qui existaient déjà auparavant) de mise à disposition taxée de biens immobiliers… Reste peut-être la question de savoir pourquoi l’introduction de la « valeur normale » était nécessaire dans le cadre du nouveau régime de taxation optionnelle de la location immobilière…
La réponse à cette question doit être recherchée dans la deuxième condition d’application visée ci-dessus (« le preneur n’a pas le droit de déduire entièrement la taxe due »). Si ce preneur, qui est un assujetti mixte ou même un assujetti exonéré, louait un immeuble (avec TVA) sur le marché, le loyer convenu (entre parties indépendantes) serait sans doute conforme au marché. Le preneur ne pourrait de ce fait pas déduire une partie (au moins) de la TVA imputée. Cette TVA non déductible va au Trésor. Si maintenant ce même preneur pouvait louer un immeuble à une partie « liée » (qui a déduit la TVA ayant grevé le bâtiment) à un prix inférieur (donc pas conforme au marché), la partie de la TVA non déductible qui irait au Trésor serait inférieure.
Délai de révision de 25 ans
L’option en faveur de la location immobilière taxée a également un impact important sur le délai de révision de la déduction de TVA dans le chef du bailleur. Dans la nouvelle réglementation, le délai de révision de la TVA ayant grevé des (fractions de) bâtiments (le cas échéant, sol y attenant compris) qui sont loués sous le régime de la taxation optionnelle est de 25 ans.
Auteur : Sven Reynders
Source : monKEY - La banque de données spécialisée pour les professionnels de la fiscalité, de la finance et de la comptabilité