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Fiscalité et comptabilité 02 septembre, 2024

L'expert-comptable non responsable de l'élaboration du plan financier ?

Lors de la constitution d'une entreprise, l'assistance d'un expert-comptable est presque toujours sollicitée. Une des missions qu'il peut accomplir dans ce cadre consiste à contribuer à élaborer le plan financier. La question est de savoir si l'expert-comptable peut être tenu responsable s'il s'avère que le plan financier n'a pas été élaboré correctement.

Source:Didier JAECQUES, Comptabilité Créative n° 2024/10, semaines Du 16 au 31 mai 2024, monKEY

La Cour d'appel de Gand a récemment acquitté un expert-comptable qui avait été condamné en première instance par le tribunal de l'entreprise de Gand, division de Termonde.

De quoi s'agit-il ?

Lors de la constitution d'une société à responsabilité limitée dans le chef des actionnaires, il y a lieu d'établir un plan financier dans lequel les fondateurs doivent justifier les capitaux de départ (SRL) ou le capital (SA).

Ce plan financier est important pour évaluer la responsabilité des fondateurs. Cette responsabilité peut être engagée si la société est déclarée en faillite dans les trois ans suivant sa constitution. Dans ce cas, les fondateurs peuvent être tenus totalement ou partiellement responsables des dettes de la société en faillite s'il ressort du plan financier que les capitaux de départ ou le capital au moment de la constitution étaient manifestement insuffisants pour permettre l'exercice normal de l'activité projetée pendant au moins deux ans.

Mentions obligatoires dans le plan financier

Les éléments qui doivent obligatoirement figurer dans le plan financier sont :

  • une description de l'activité projetée ;
  • un aperçu de toutes les sources de financement à la constitution ;
  • un bilan d'ouverture ;
  • un compte de résultat projeté après douze et vingt-quatre mois ;
  • un budget des revenus et dépenses projetés pour une période d'au moins deux ans à compter de la constitution ;
  • une description des hypothèses retenues lors de l'estimation du chiffre d'affaires et de la rentabilité prévus ;
  • le cas échéant, le nom de l'expert externe qui a apporté son assistance lors de l'établissement du plan financier.

L'indication du nom de l'expert externe qui a participé à l'élaboration du plan financier est une obligation introduite dans le cadre du nouveau CSA.

À l'époque déjà se posait la question de savoir si cette mention pouvait entraîner une possible responsabilité de l'expert externe.

Pas de responsabilité vis-à-vis du curateur

L'action en responsabilité du fondateur est généralement introduite par le curateur d'une société en faillite. Le texte des dispositions légales en matière de responsabilité des fondateurs mentionne que le curateur ne peut se tourner que vers les fondateurs.

Autrement dit, le curateur ne dispose d'aucun droit d'action contre l'expert externe qui a contribué à établir le plan financier.

Responsabilité vis-à-vis des fondateurs ?

La jurisprudence a récemment statué sur la question de la responsabilité de l'expert-comptable envers les fondateurs pour l'élaboration d'un plan financier défaillant.

Dans ce cas précis, une société avait été déclarée en faillite environ un an et demi après sa constitution. Le curateur a estimé que la société n'était pas suffisamment capitalisée au moment de sa constitution et a intenté une action en responsabilité à l'encontre des fondateurs. Ceux-ci ont finalement aussi été condamnés sur la base de leur responsabilité de fondateurs.

Dans le cadre de la procédure engagée par le curateur, ils ont tenté de rejeter leur responsabilité sur l'expert-comptable qui les avait aidés à élaborer le plan financier. Dans son jugement du 18 octobre 2021, le Tribunal de l'entreprise de Gand, division Termonde, a estimé que l'expert-comptable devait indemniser les fondateurs à hauteur de 50 % de leur responsabilité.

Ce jugement a toutefois été annulé dans un arrêt de la Cour d'appel de Gand du 17 avril 2023.

L'expert-comptable a un devoir de contrôle et de conseil

L'arrêt de la Cour d'appel de Gand montre que la Cour n'exclut pas par principe la responsabilité de l'expert-comptable, qui a en effet un devoir d'investigation et de conseil à l'égard de leurs clients.

La Cour estime que l'assistance à l'élaboration du plan financier implique une double obligation :

  • un devoir de contrôle imité quant à l'exactitude et l'exhaustivité des informations fournies ; et
  • un devoir de conseil concernant le contenu du plan.

Possibilité d'exonération du devoir de contrôle

L'arrêt n'aborde pas l'examen de la mise en œuvre de l'obligation de contrôle, jugeant que l'expert-comptable s'était libéré de cette responsabilité par une clause d'exonération. Dans le cas présent, l'expert-comptable avait inclus la clause suivante :
« Cette mission a été exécutée par nos soins dans les règles de l'art et sur la base des informations que vous nous avez fournies en tant que client. Comme nous avons déjà pu vous l'indiquer, nous sommes dans l'impossibilité de vérifier de manière approfondie les informations que vous avez communiquées et, par conséquent, ne pouvons être tenus responsables, directement ou indirectement, des éventuels dommages qui auraient pu être causés par des informations incorrectes et/ou incomplètes. »

La mise en œuvre du devoir de conseil requiert l'appréciation des faits concrets

Pour évaluer le devoir de conseil, la Cour examine de manière approfondie les circonstances factuelles concrètes. Sur la base des différents documents présentés par l'expert-comptable, la Cour a finalement considéré qu'il avait rempli son devoir de conseil à l'égard des fondateurs. Il a été tenu compte notamment des éléments suivants :

  • les e-mails et notes soulignant d'éventuels problèmes de liquidité peu après la constitution, entre autres sur la base d'une estimation irréaliste du crédit clients ;
  • les ajustements répétés du projet de plan financier, en apportant chaque fois des modifications au mode de financement ;
  • le fait que les fondateurs ont également été assistés par un conseiller de leur banque, avec qui une concertation avait eu lieu concernant le financement.

Enfin, la Cour a également constaté que les fondateurs voulaient apparemment créer la société à tout prix, malgré les risques de liquidité connus. Dans ces circonstances, elle a estimé que les fondateurs ne pouvaient pas répercuter leur propre négligence sur l'expert-comptable.

Conclusion

L'arrêt de la Cour d'appel de Gand démontre que le devoir de contrôle et de conseil de l'expert-comptable est pris très au sérieux. Le jugement fait en outre apparaître que la charge de la preuve concernant l'exécution de l'obligation de contrôle et de conseil incombe en grande partie à l'expert-comptable lui-même. En d'autres termes, c'est à lui de prouver qu'il a informé ses clients de manière adéquate, ce qui souligne à nouveau l'importance pour l'expert-comptable d'étayer et de documenter correctement une mission.

Une clause d'exonération peut certes l'aider à échapper à sa responsabilité, mais il ne pourra le faire que s'il peut effectivement démontrer de manière plausible qu'il a rempli ses obligations. En revanche, il ne pourra invoquer une clause d'exonération pour couvrir l'exécution manifestement défaillante d'une mission.

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